Une soirée festive

Une soirée festive

J’observe une dernière fois la pièce, sur la table le bol regorge d’yeux à la pupille différente. Sans orbite, ils éclatent à la lueur du néon, un bleu azur, un rouge carmin, un gris taupe, un brun noisette, un noir cendre, un vert pomme. Tout cela flaire bon à mes narines et je me délecte par avance d’en gober quelques-uns. Mais avant, j’ai encore quelques petits préparatifs à terminer.

Je fais un pas de côté pour éviter d’écraser la main tranchée qui git sur le plancher, et me dirige vers la cuisine pour sortir du four mes muffins araignées. Brulants et monstrueux, ils ne peuvent que plaire à mes prochains invités. M’essuyant les mains à mon pantalon, je termine d’habiller la maîtresse de maison et la pend à son four, la laissant à son balancement, le corps mou et flasque.

J’admire encore les marques des mains ensanglantées sur la porte des toilettes et les murs. Il faudra certainement frotter fort pour effacer ces traces, mais le prix en vaut la chandelle. Je range méticuleusement mes armes sur le rebord de la fenêtre, un coutelas, un hachoir, un poignard, une hachette au tranchant élimé et observe la nuit descendre à l’horizon. Bientôt l’heure viendra pour moi de les accueillir et découvrir l’horreur ainsi que la peur s’infiltrer en eux. Leurs petits cris m’apporteront les frissons nécessaires pour continuer à les malmener. Chaque année j’affute mon art en taillant des visages, en massacrant des expressions délicates, en brûlant des chairs. J’ai d’ailleurs pris en photos les cinq têtes jaunâtres, avant qu’elles ne pourrissent sous la tiédeur des bougies que j’aime mettre un peu partout. Elles apportent une ambiance qui m’est chère et qui pourrait être romantique, mais qui dans ces circonstances rendent ces êtres plutôt grotesques, leurs ombres morbides papillonnant sur les parois.

Du fard à lèvres pour noircir ma bouche, un coup de peigne pour lisser ma longue chevelure aussi pure que la neige, et une vérification du rat fixé à mon épaule. Tout y est. Je secoue la vieille casserole cabossée, faisant tinter quelques friandises, j’en choisis méticuleusement une et la savoure durant l’attente. Lumières éteintes, je patiente tranquillement. Planquée derrière la porte, je les entends arriver, innocentes victimes. Mon regard pétille, leur joie de vivre va s’arrêter sous peu et j’en serais la seule coupable, je jubile déjà.

Un léger toquement à la porte, aucune réponse de ma part, les voilà qui insistent, alors je tourne lentement la poignée et entrouvre à peine la porte, les laissant faire le premier pas à l’intérieur sans me montrer. Le plus téméraire pousse en grand et aperçoit le chaudron empli de bonbons. Je les entends chuchoter entre eux puis ils finissent par avancer dans la pièce, c’est à ce moment que je claque la porte dans leur dos et lance mon plus beau rire sarcastique. Effrayés ils sursautent et crient en me découvrant. Une sorcière ça fait toujours peur !

Un bonbon ou un sort, fait le plus âgé.

Pour les curieux: